Blog des Jeunes Bakoko Mungo

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Les fiançailles chez les Bakoko du mungo

Les fiançailles chez les Bakoko du Mungo

 

«Il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre… ». Cette exhortation divine pour la perpétuation de l’œuvre de création trouve son plein et sein accomplissement dans le cadre d’un mariage chez les Bakoko du Mungo comme chez toutes les communautés du monde. Ce sacrement du service qu’est le mariage procède d’une codification et d’une démarche qui varie d’une civilisation à une autre, d’une communauté à une autre. La démarche qui conduit au mariage chez les Bantou et les autres peuples est appelée les fiançailles. « Les fiançailles (tiré du latin confiare signifiant « confier à ») sont, pour un couple, une déclaration d'intention de mariage. Le terme de fiançailles désigne le jour de cette déclaration, ainsi que le temps qui sépare ledit jour de celui du mariage ». Beaucoup plus qu’en occident où les fiançailles sont « une promesse de mariage pour des noces », en Afrique, les fiançailles sont un "engagement de mariage éventuel" pour une vie commune. Et si les "fiançailles ne sont pas des actes juridiques, [mais] des faits juridiques susceptibles de produire des effets de droit", dans notre environnement physique et humain où les lois non écrites découlant de la tradition orale ont une plus grande prise sur notre vécu, les fiançailles sont plus un serment que des actes juridiques.

Dans la tradition catholique dit-on, « «les fiançailles inaugurent le temps du discernement en vue du mariage. Elles ne sont pas une étape de mariage, car ce qui constitue le mariage est le seul échange des consentements au cours de la célébration du mariage. Elles marquent le démarrage d'une réflexion du couple vers l'engagement définitif ». Peut-on en dire autant dans nos traditions païennes ? Puisque le point culminent des fiançailles est l’établissement d'un contrat de mariage.

 

Chez les Bakoko du Mungo, les fiançailles sont plus qu’un engagement. Elles comportent cinq principales étapes qui ne sont pas toutes obligatoires: les préliminaires (ikuh di dikoka); l’ouverture des fiançailles (idehe di fandè); la dot proprement dite ou point culminant (ndam i diba);  «la post dot» ou sel des femmes (nku a botaha).

 

Les fiançailles supposent que deux futurs conjoints entrent préalablement en contact ou se sont rencontrés directement ou indirectement. Dans la société ancestrale soucieuse de l’éthique et la dignité, les rencontres indirectes étaient la règle, et la directe l’exception. Elles se faisaient à travers les parents d’un jeune homme à la connaissance ou après une plus ou moins longue observation, étude et enquête sur les qualités et les mœurs d’une jeune fille, de sa famille ou communauté. L'inverse était également valable. La mise en contact pouvait prendre plusieurs formes, faisant intervenir les concernés ou se faire à leur insu. Elle pouvait être ouverte ou pernicieuse, voire prendre la forme d’un piège. Il ne nous a pas été donné de savoir si le processus de réservation avait cours dans cette communauté, ni comment elle se déroulait, au cas où. De nos jours, les rencontres directes où les futurs conjoints s’approchent sans l’intervention des parents ou amis ont pris le pas sur les précédentes. Pour un meilleur résultat ?

C’est à l’issue de ce prologue que les fiançailles pouvaient commencer, après l’accord de la jeune fille ou de ses parents, surtout en cas de mariage arrangé ou forcé. Quelle en était la proportion dans notre communauté jadis ?

 

1) les préliminaires, ikuh di dikoka (jumba la jombe-Duala)

Il s’agit de la demande de la main d’une fille qui se confond à l’annonce de fiançailles. Cette étape est souvent précédée d’une première démarche au cas où la fille habite chez un tuteur ou si elle a grandi chez un autre parent. On parle alors « de montrer le chemin » (iwuntè di njen, leyè la ngea). La partie demanderesse approche le tuteur avec des cadeaux -généralement une bouteille de liqueur et une enveloppe (d’environ 10.000 FCFA) et parfois quelques casiers de bières-. Après déclinaison des motifs de l’entrevue et échange de civilités, promesse est faite par le tuteur d’en toucher mot aux « ayant-droits ». Un repas peut clore cette rencontre.

  La demande de fiançailles autrement appelée « frapper à la porte » se fait au domicile des parents de la future fiancée, qui reçoivent une bouteille de liqueur et un soubassement (dikana) en terme d’enveloppe -d’une valeur de 10 à 20.000 FCFA en moyenne-, plus quelques casiers de bière en option. Certaines familles dresent une liste pour cette circonstance. Cette étape peut comporter une préalable qui est la réponse de la fille, (miyebe ; jalabè-Duala). Elle peut se faire en présence de la jaune fille ou de son représentant, auprès de qui le parent ou celui qui en tient lieu se réfère avant d’accepter ladite bouteille. Invitation est donc faite au prétendant d’approcher qui de droit afin d’obtenir la (les) listes pour les prochaines étapes. Le contact établi et l’intention manifestée, les parents des deux futurs tourtereaux mèneront des enquêtes discrètes. Le processus peut s’arrêter là pour une raison ou une autre, sans autre forme de procès. Vu, pas connu.

 

2) L’ouverture des fiançailles; Idehe di fande (Télè l’ewande-Duala)

Autrefois, cette étape aurait été précédée par une autre appelée acceptation, miyebe (jalabè-Duala) qui est un pré-requis aujourd’hui intégré dans l’ouverture des fiançailles.

Selon les familles ou groupes, cette étapes comporte deux articulations : l’ouverture des fiançailles auprès des hommes et celle auprès des femmes.

La partie demanderesse s’étant procurée au préalable de la(les) liste(s) auprès de la personne habilitée non sans avoir supporté sa demande avec une bouteille de liqueur et son « support » (environ 10.000 Fcfa), la liste est discutée en baisse - le contraire étant prohibé dans certaines familles -, celle-ci est arrêtée et signée par les deux parties. Cette étape se passe dans la famille de la jeune fille. La belle famille s’installe, on se regarde avec plus ou moins de méfiance ou d’appréhension, quelques complices échanges des civilités sans plus.  Souhait de bienvenue par la famille de la fille, présentation des participants et questionnement sur l’objet de la visite. Le chef de délégation de la partie demanderesse répond avec habileté et sagesse. Les entourloupes peuvent prendre des tournures brèves ou longues, détendues ou graves, selon les antécédents, les approches et astuces. L’art de la parole et du compromis est un atout. L’accord de la jeune fille dont la venue peut faire l’objet d’un cérémonial particulier est alors sollicité. L’officiant lui dit en substance : «cette bouteille apportée par cette famille qui prétend venir en fiançailles, veux-tu qu’on l’ouvre et qu’on la boive ? ». Si la fille répond à haute et intelligible voix qu’elle accepte, la bouteille (généralement les « 4 côté ; mitongo mina ; matongo maney » comme est désigné le Rhum des plantations) qui sert de bouteille d’ouverture de séance (ihaa di mboha ; télè la mboko-duala), est ouverte, les libations sont faites, l’officiant verse une petite quantité dans un verre, en prend une gorgée, puis passe le verre à la fille pour faire autant et passer le verre à son futur fiancé qui doit boire à son tour. Tous les participants doivent chacun prendre une gorgée ou tout au moins en mettre sur ses lèvres pour les non-alcooliques, car il s’agit là d’un engagement (malé). Les choses sérieuses peuvent alors commencer. Un chef d’équipe est désigné de chaque côté, qui, listes en mains, passent en revue, donnent et réceptionnent les articles de la liste. A la moindre défaillance ou écart de conduite, des amendes (mandè) plus ou moins fortes peuvent pleuvoir. Autrefois, ces discussions pouvaient prendre une journée entière, et la belle famille pouvait y passer la nuit pour continuer le lendemain. Aujourd’hui, les choses sont facilitées et certaines passent comme lettre à la poste. Après les hommes, les femmes procèdent de leur côté. A la fin de l’acceptation des présents, un cérémonial conduit par les femmes prend place. Il s’agit du ‘ngon a nkon (ngond’a mukon-Duala) ou gâteau de pistache. C’est un cérémonial grave, car mystico-religieuse. La famille de la fille a passé toute une nit après des jours de préparatifs, à cuire ce gigantesque gâteau qui gagnerait à être effectivement cuit, symbole de la solidité et prospérité ou non du futur mariage. A la découverte de la tranche coupée à la fois par une représentante des deux familles sous forme de duel, réjouissance ou consternation peuvent prendre place. Tout le monde (de bonne foi) est libéré à l’entame du refrain rituel « ngon ya bé, mutaha ki a bé ; ngondo e bei, muto pè a bei ». Le gâteau a cuit, la fille aussi est  cuite, c'est-à-dire apte au mariage. L’épilogue de cette cérémonie est un copieux repas partagé par les convives. La belle famille embarque des vivres cuits et frais, ainsi que son « ngon a nkon ». Au finish, dans certaines familles, la différence en dépenses peut ne pas être significative. Il s’agit d’un échange plus ou moins équitable de cadeaux.

 

3) la dot proprement dite ; Ndam i diba (awuh) ; Bededi ba tumba

Cette étape se passe dans la famille du fiancé. La belle famille commence la journée avec un petit déjeuner. Puis l’ouverture de la séance par une bouteille de liqueur (ou vin autrefois) comprise dans la liste préalablement discutée, arrêtée et signée par les deux parties. Présentation et acceptation des présents. Fermeture de la séance par une bouteille que prélève la belle famille de ses présents. S’en suit la rédaction du contrat de mariage « contrak e awuh – contrk’ a diba) signé par les parties désignées. Clôture avec un repas offert par la belle famille. Autrefois, la bête –généralement une chèvre- était tuée sur place afin que son sang scelle l’alliance entre les deux familles.

Les éléments constitutifs de la dot, avec quelques variantes près, étaient constituées de :

 

-       liqueurs;                                -       vin blanc;              -       chèvre, porc ou bœuf;          -       ignames;                  

-       bières;                                   -       tabac de cape;        -       condiments;                         -       morue;

-       jus;                                        -       cigarettes;              -       plantain;                               -       argent en espèce.     

-       vin rouge;                              -       allumettes;             -       riz;

 

 

Exemple de contrat de mariage

Le (date)

Entre les concernés

1) nom (X), famille, village, canton, arrondissement, père de la fille nommée

et

2) nom (Y) de la famille… village, canton

A été conclu ce jour (date) que monsieur X accepte donner sa fille Z, en mariage chez monsieur X.

Ce mariage a été conclu avec le consentement des deux familles et convenu comme dans frais.

La dot a été entièrement réalisée à (n) Fcfa ; Le costume du père de la fille, la malle de la maman de la fille, le sel des femmes sont libres et n’ont pas été donnés.

Ont signé comme témoins :

Du côté de l’homme                                                                     du côté de la femme

                                        

                                                         Le secrétaire

 

 

4) La post dot» ou sel des femmes; Nku a botaha ; wanga bito-Duala)

 

Il s’agit d’une étape optionnelle mais ô combien précieuse et valorisante pour la femme et sa mère. Elle est souvent le prélude au mariage religieux. La liste est obtenue comme d’habitude. Cette étape concerne en premier lieu les femmes des deux familles, et l’article principal est le sel donné en plusieurs sacs, qu’accompagnent d’autres articles non moins coûteux. Plusieurs personnes ne réalisent plus cette étape qui pèse également beaucoup sur les épaules de la mère de la fiancée ou épouse, dans des familles peu organisées ou solidaires. Plusieurs personnes ont vieilli ou sont mortes sans jamais y assister, car rares de nos jours.  

 

Annexe1 : Exemple de liste de préliminaire (ikuh di dikoka la miyebe, jumba la jombè na malabè) dans une famille d’un village Bakoko (name withheld).

1 whisky Johny;

2 casiers de bières « 33 » et Castel;

5 litres de vin rouge (Gandia);

Espèces :

-       réponse du papa (miyebe mi esang »a mon - jalabè la sango’a muna) :          25.000 à 15.000 Fcfa

-       réponse de la maman (miyebe mi nyang’a mon - jalabè la nyango’a muna) : 15.000 à 15.000 Fcfa

-       réponse de la fille (miyebe mi mon - jalabè la ngondedi) :                              10.000 à 10.000 Fcfa

1 bouteille de liqueur pour l’ouverture de la séance

 

Pour la famille X, signé untel, le (date)

 

Annexe 2 : Exemple de liste d’ouverture de fiançailles (idehe di fandè – Télè l’ewandè)

 

2.1: Liste des hommes

 

La famille….

 

Liqueurs :

-       2 St james GM;                                                  -       3 Whisky (Johny, J&B, Grants);                                         

-       1 Cognac;                                                           -       1 Gordon Gin;                                                                       

-       2 Camapri;                                                         -     10 litres de Harki;                                   

 

Bières

-       1 Carton de bières Beck’s;                                 -       2 Cartons de Heineken;

-       1 Casier de Mutzik;                                            -      2 Casiers de Beaufort;

-       1 Casier de Guiness GM;                                   -      1 Casier de Tuborg GM;

-       1 casier de sucreries mélanges (Soda, Grenadine, Coca, Orange); 

 

Vins:

-     24 litres de vin rouge Gandia;                             -     40 litres de vin de palme;

-     40 litres de vin de raphia;

 

-     20 Paquets de cigarettes mélangées (étrangères et locales) ;

-       1 Cartouche d’allumettes;

 

-      Support (dikana) 50.000 FCFA.

 

NB : 1 Rhum pour l’ouverture de séance.

 

               Pour la famille …. Signé X, à (lieu) ; le (date)                Contresigné par Y (belle famille)

                             

 2.2: Liste des femmes

Liqueurs :

 

-       3 Whisky;                                                         -        1 Cognac;                                         

-       1 Gordon Gin;                                                  -       5 litres de Harki;                                                                                                            

Bières

-       2 Carton de bières étrangère;                            -       1 Casier (de 20 bouteilles) de Beaufort;

-       1 Casier (de 20 bouteilles) de "33";                  -       1 Casier (de 20 bouteilles) de Amstel       

 

Vins:

 

-     24 litres de vin rouge;                                          -     20 litres de vin de palme;

 -       1 Cartouche d’Allumettes;                                -       3 kg de Tabac

-       1 carton de Savon (48 morceaux de 250g);       -       1 carton de Sardines (50 boîtes)

-        1 carton d'Huile d'arachide                                -       1 grande Cuvette

 

 -      Espèces:  45.000 FCFA.

 

      Signé   La Secrétaire des femmes à (lieu) ; (le (date)               Contresigné (Représentante Belle famille)

 

 

 

Annexe 3 : Exemple de liste de Dot (Ndam i diba - Bededi ba Tumba)

 

La famille….   Dot de la fille Y

 

Liqueurs :

-       2 St james GM;                                                  -       3 Whisky;                                         

-       2 Cognac;                                                           -       1 Gordon Gin;                                                                       

-       1 Camapri;                                                         -        1 Martini; 

-     10 litres de Harki.                                  

 

Bières

-       1 Carton de Heineken;                                       -       2 Cartons de Royal Deutch;

-       2 Casiers de Mutzik;                                          -      2 Casiers de Beaufort;

-       1 Casier de Guiness;                                          -      1 Casier de Tuborg;

-       1 Casier de "33";                                                -      1 Casier de Amstel;

-       2 Casiers de sucreries mélangées. 

 

Vins:

-     30 litres de vin rouge;                                          -     20 litres de vin de palme;

-     40 litres de vin de raphia;                                     -    20 litres de vin "Etcheku"

 

Vivres:

-     1 très gros Porc;                                                    -    25 kg de Riz;

-     3 régimes de plantain;                                           -      5 Ignames;

-     3  Kg de Morrue                                                    -    Condiments (huile, oignons, piment, épices).

 

-     1,5 Kg de Tabac;                                                    -     2 Cartouches de cigarettes (assorties);

-     2 Cartouches d'Allumettes.

 

Argent en espèces: (FCFA)

 

-      Porte parole (Mutopedi):    4.000                                              - Secrétaire (Mutiledi):    4.000

-      La Canne du Chef de famille (Ebongo'a Sango'a Mboa:          6.000

-      Bourrage de l'animal (Songo l'eyembé):                                   7.000

-      Ndio (Transport):                                                                    13.000

-      Montant (Mususedi):                                                               70.000

 

               Pour la famille …. Signé X, à (lieu) ; le (date)                Contresigné par Z (belle famille)

 

 

A suivre : liste du "Sel"



27/08/2014
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