Blog des Jeunes Bakoko Mungo

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Le Haa ou Africa gin

 Le Harki ou Haa, Africa Gin

 

La production et la commercialisation de « l'afrika gin » jouaient un rôle socio-économique important dans la société sawa, singulièrement chez les Bakoko. L'interdiction de sa vente par les missionnaires avait déjà troublé les relations entre ceux-ci et les responsables autochtones de la NATIVE BAPTIST CHURCH, comme l’atteste les écrits de la publication du "150eme anniversaire du baptisme au Cameroun 1945 - 1995/ histoire de l'Union des Eglises Baptistes du Cameroun " « la mission décréta l'interdiction du commerce  des boissons alcooliques qui étaient la principale source de revenus des côtiers. Les natives refusèrent cette décision et quittèrent la conférence baptiste commune à laquelle ils étaient conviés et réunissant les missionnaires et les responsables des Eglises".

L'un des objectifs de l'excursion de Bisombi visait à découvrir les activités socio-économiques pratiquées dans le canton. Dans cette perspective, le programme conçu pour la circonstance avait prévu la visite d'un hobbin, c'est à dire une distillerie de haa. Cette étape a permis d'apprécier le processus de production, mais également d’appréhender l’envergure d’un véritable fait social grâce au témoignage reçu à l'occasion. Un fait social est toute manière de penser, de faire, d'agir, de sentir propre à un groupe, extérieur aux individus et qui exerce une contrainte sur eux.

Le hobbin

La distillerie visitée est une construction simple. L’ère de grandes constructions semble révolue à cause de la perte de vitesse de cet alcool, due aux contraintes du milieu et de l’environnement physique dictée par la disparition du fleuve Abo et la prolifération de fabriques par les nigérians le long du wouri. A cause de l’interdiction qui frappait cet alcool, les distilleries étaient cachées dans les ilots ou des bas fonds difficilement accessibles, la plupart du temps en pirogue. Elles se sont de plus en plus rapprochées des villages du fait de la levée d’interdiction. Toutefois, elles se situent toujours aux abords des fleuves ou ruisseaux, en partie pour la facilité d’obtention d’eau et de livraison de vin. L’usine visitée est provisoire et faite de poteaux en bois qui supportent une toiture en tôles légèrement agencées. Cette toiture couvre la « chaîne de distillation constituée de 4 futs disposées obliquement au sens de la longueur de l’usine. Les deux premiers sont entiers, tandis que les deux autres portent une entaille au dessus. Ils sont tous reliés et par des tuyaux en cuivre qui traversent les trois derniers. Au bout de la chaîne est creusé un trou qui est le réceptacle de dame-jeanne devant recueillir le liquide, grâce à une canalisation faite d’une moitié de tuyau en PVC situés en aplomb des tuyaux en cuivre débordant de quelque centimètres du dernier fût.

Le premier fût sert de container du vin et est disposé au dessus du four à bois. Le deuxième est le premier dispositif de refroidissement et contient de l’eau, ainsi que le deuxième, tandis que le dernier est vide.

Les autres éléments de ce dispositif sont : les entonnoirs, des éponges, le bois de chauffage, le pétrole, des fûts en plastique, un flacon en verre surplombant un fil et qui sert de jauge, des bouteilles de whisky vides, un bâton en bois servant à curer les tuyaux en cuivre, du coton. La matière première est le vin de raphia et le sucre.

 

Les étapes de la distillation

La première étape consiste à s'approvisionner en vin de raphia. Ce vin apporté est versé dans des fûts en plastiques et fermenté entre 7 et 10 jours après l’avoir mélangé au sucre.

Au terme de la fermentation, commence la distillation proprement dite. Le premier fût est rempli de vin et est chauffé à haute température. La vapeur de vin s’engage dans les tuyaux où, par refroidissement, elle se condense en esprit de vin qui se déverse au bout des tuyaux et est recueilli par le dispositif d’embouteillage.  Le premier liquide recueilli appelé « magnanfan » sont impropres à la consommation  ne consomme pas. Les deux premiers litres recueillis ensuite servent de diluants, à cause de leur fort taux d’alcool. Ils sont appelés « haa misu » (premium). C’est eux qui seront mélangés à des doses déterminées à la grande quantité de liquide moins alcoolisée qui est recueillie après, appelée « waïn ».

 

L'importance socio-économique du haa

Le haa a joué un rôle soci-économique important dans le littoral, et particulièrement dans le canton Bakoko. Les cueilleurs de vins avaient des débouchés, le marché du sucre était florissant, le réseau de détaillants incluaient plusieurs familles à Douala surtout où il était écoulé. Si plusieurs maisons ont été construites en matériaux définitifs, les enfants envoyés à l’école, c’est grâce à cet alcool qui, du fait de la poursuite aveugle de la politique coloniale, fut longtemps interdit et farouchement pourchassé dans le littoral, mais toléré ailleurs où il était consommé au vu et au su de tout le monde, sous la barbe des forces de l’ordre, sous des appellations diverses : odontol….  

Tant et si bien que dans un environnement fait de cupidité, le haa des bakoko a surtout fait le bonheur de ceux qui étaient chargés de veiller à l’application de son interdiction.

Des histoires sont connues de ce gendarme qui était passé maître de la traque du haa à Akwa Nord où accostaient les pirogues de ravitaillement, et dont les saisies se transformaient en recyclage à son profit. A bakoko, le célèbre gendarme Mvogo qui « humait » l’odeur du haa pour le dénicher dans les buissons y a laissé une légende. Certains sous-préfets s’étaient joints au jeu de saisie-recyclage dans cette contrée. Le village Yangonang a vécu plusieurs de ces épisodes. Cette chasse au haa a souvent pris des tournures dramatiques, avec le décès par arrêt cardiaque d’une dame, la sœur du Pasteur Ekollo ancien Directeur du Collège Alfred Saker. Son équipe avait été surprise par une escouade de gendarmes au hobbin de Ehenda à Yangonang, certainement bien informé pour retrouver cette distillerie nichée dans un ilot en pleine mangroves. Furieux, un natif de ce village maîtrisa ce contingent armé en leur intimant l’ordre de ramener à la vie la défunte, au risque de subir le même sort qu’eux par noyade. La suite fut mouvementée et le pire fut évité de part et d’autre par l’intervention et le tact du Doyen Eboa Eyoum, alors influent tant auprès de la communauté qu’au sein de l’appareil administratif. 

L’une des plus grandes entreprises du haa se trouvait du côté de Fiko, où les distilleries constituaient un très large village. Ce que découvrit le sous-préfet de l’époque envoyé pour détruire ce village dépassa son entendement et l’impressionnât, en termes d’actifs économiques et d’investissement. Il renonça à passer à l’acte et demanda à sa hiérarchie de venir le faire elle-même ce « sale » boulot.

L’interdiction du harki, initié par les missionnaires, perpétuée par les colons et l’administration postcoloniale a maintenu cet alcool dans la clandestinité et a certainement contribué à maintenir sa fabrication au niveau artisanal. En quoi est-il différent du Gin ou de la Vodka sinon par le parfum et l’habillage, et surtout l’origine ? Et des autres whisky que par la coloration ? Est-il intrinsèquement responsable des intoxications enregistrées dans certaines parties du pays et particulièrement dans la capitale ? Si c’est sa teneur en m éthane qui pose problème, pourquoi ne pas faire mener des études en vue de sa réduction ? S’est-on assuré que les intoxications ne seraient pas du fait des contenants qui sont souvent des emballages de produits chimiques  dont des pesticides ? Aujourd’hui où l’interdiction est levée, un plus grand risque menace les consommateurs à cause de la prolifération de distilleries non contrôlées et dont le processus de fabrication laisse à désirer, s’il n’est pas purement criminel. Ou des mélanges douteux des détaillants en quête de profit. A qui la faute en cas d’éventuels accidents à venir ?



28/08/2010
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